Toute vérité franchit trois étapes. D’abord elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant toujours été une évidence.
Arthur Schopenhauer
Chaque révolution, chaque « disruption » passe par ces trois phases : Ridicule, périlleux, évident. Avant d’adresser deux ruptures dans l’univers du leadership et « learning development », rappelons-nous quelques exemples célèbres :
- L’abolition de l’esclavage, le droit de vote et la place des femmes dans la société. Impensable il y a encore peu de temps !
- Le mur de Berlin qui tombe, l’encyclopédia Universalis du savoir à portée d’un clic sur internet. Inconcevable encore dans les années 80
D’abord l’idée parait saugrenue, elle est ridiculisée, persiflée. C’est un déni qui se mue en dénigrement médisant. Si l’idée de départ dérange déjà, sa naïveté première la tourne en dérision et raillerie. Quand l’idée persiste, prend forme et force, que des pouvoirs établis sont bousculés par ce péril, alors la colère et la peur se mélangent : on se révolte, on fait des procès, on emprisonne, on torture, on tue. Puis enfin ce qui était au départ stupide finit par s’imposer comme une idée dont le temps est venu de manière évidente.
Que dire alors aujourd’hui des césures dans les organisations ?
Prenons l’exemple du leadership distribué et de sa symétrie dans le domaine de la formation par les classes inversées ou renversées. A chaque fois l’hypothèse semble déplacée : il y a des experts, à eux de faire ruisseler leur savoir sur les autres. Logique non ? et pourtant ! tout tend aujourd’hui à démontrer le contraire. Dans les années 80 l’idée même de responsabiliser les collaborateurs semblait parfois encore ridicule, il n’était pas rare d’entendre dans les formations managériales « on ne va tout de même pas demander à nos subalternes de nous donner leurs idées !? ». La délégation a ensuite fait son nid en laissant toujours les managers aux manettes du contrôle. Mais aujourd’hui les entreprises dites « libérées ou agiles » gagnent chaque jour du terrain en inversant le rapport. Le principe de subsidiarité redonne le pouvoir aux équipes qui s’autodéterminent, s’auto-organisent, élisent leur propre coordinateur. Dans ce contexte, les managers ne répondent plus aux questions, ils questionnent les réponses.
Et voilà qu’un souffle identique arrive dans les formations. Là aussi on renverse la table ! De nouvelles tentatives émergent, renforcées par le savoir rendu accessible à distance. Les apprenants arrivent en salle avec déjà tous les contenus entre leurs mains, ils consacrent le temps présentiel à activer et entraîner ce savoir dans leur contexte avec leurs pairs. Des enseignants emboîtent même le pas en demandant aux élèves de faire leur plan de cours, chercher les contenus pour n’intervenir qu’en bout de chaîne pour décoder ce qui reste encore flou. Ridicule ? Périlleux ? Évident ?