Le « jour d’après » sera-t-il régressif, résilient ou régénératif ?

Après une économie globalement placée en coma artificiel, comment demain se profite-t-il ?

Les entreprises vont se trouver tiraillées entre une lutte court-termiste parfois pour la survie et la nécessité de penser à de nouveaux modèles qui s’inscrivent dans un temps long…
Dans ce contexte chamboulé, comment les équipes et les managers maintenant déconfinés vont-ils réagir ? Que restera-t-il de cette décontamination de l’action urgente mécanique et compulsive quotidienne à la sortie de cette période inédite de retour à soi forcé ?
Certains se seront débarrassés de conduites automatiques par ce temps de silence inédit et imposé, mais la peur du lendemain n’a pas disparue et elle sera critique dans l’appréhension du futur. Le strict « retour au normal » sera impossible. Le jour d’après sera-t-il régressif, résiliant ou régénératif ?

S’il était régressif, il serait considéré comme un recul à un état antérieur ce qui n’est jamais à exclure lorsque les conditions de vie changent. On a observé en période post-cycloniques des attitudes barbares et criminelles justifiées par la survie. Comme l’athlète prenant son élan par un pas arrière avant d’entamer sa course, il peut même être annonciateur d’un saut vers un nouvel état. C’est tout ce qu’on peut d’ailleurs espérer de ces retours-arrière dans les modes de pensée et d’agir parmi les présidents de nations importantes sur l’échiquier mondial. Mais quand on enclenche la marche arrière, personne ne sait où cette régression peut mener. Les temps de guerre mettent les généraux au pouvoir, le chaos dans les organisations pourrait-il faire revenir les patrons autoritaires ? Ou la menace extérieure amener des patrons protecteurs ?

S’il était résiliant, on pourrait admettre comme pour les matériaux que le monde des entreprises résisterait au choc extérieur pour reprendre sa forme initiale. On voit déjà poindre au niveau européen une menace sur le « green deal » pour des impératifs économiques comme on a déjà dans un passé récent vu de belles démarches collaboratives portant au pinacle le bien-être se voir siffler « la fin de la récrée » pour revenir aux résultats dès qu’un profit warning est dans l’air. S’agira-t-il d’une résilience de résistance ou de rebond ? Comment s’exercerait alors la pression sur les objectifs qui a aussi fabriqué le monde burn out ? Comment le message « prenez soin de vous » deviendra-t-il « faites attention aux résultats » ?

S’il était régénératif, cela impliquerait une percée dans la lignée des changements dits de « type 2 ». Les crises sont des moments pivot. La deuxième guerre mondiale a accéléré la commercialisation des radars, hélicoptères ou autres missiles, mais aussi des changements sociétaux profonds comme le travail des femmes et leur droit de vote. Pour changer à nouveau de braquet et se hisser à un nouveau paradigme, le mode de pensée mécanique devra être bio-logique, organique. La question n’est plus seulement “ai-je un bon business model profitable” mais devient fondamentalement et inéluctablement « ai-je un modèle robuste, adaptatif, durable ». Pour faire face aux nouveaux défis (inégalités croissantes, réchauffement climatique, pandémies futures), le mode de résolution par l’équation compétition féroce x marché concurrentiel x gouvernance pyramidale ne sera plus suffisante. Un nouveau récit collectif par l’approche narrative faisant appel tant aux émotions qu’à la raison s’impose. Sans avoir trouvé à ce jour des formes modélisables comme par le passé, on voit émerger les ingrédients fondateurs de modèles régénératifs basés sur le collaboratif, l’intelligence collective, l’efficience dans l’utilisation des ressources, la contribution sociétale, l’organisation en tant que système vivant.

Qu’est-ce qui fera le point de bascule entre régressif, résiliant ou régénératif ?

  • Notre capacité ou pas à appuyer sur la touche « pause » des modèles de pensée automatique qui nous amènent à reproduire de manière compulsive.
  • Notre capacité à gérer la peur qui demeure la source majeure des distorsions et dysfonctionnements individuels et collectives.

À ce titre, notre capacité à dompter le striatum comme le souligne le neuroscientifique Sébastien Bohler sera déterminante. Cette hormone de l’angoisse secrète de la dopamine provoquant par exemple la ruée vers les supermarchés quand monte la peur du futur. Le passage à un nouvel état nécessite une vigilance accrue à nos mécanismes de l’attention. Soit nous sommes happés par l’exogène qui par nature vient de l’extérieur et se nourrit de « l’infobésité » et des fake news, soit nous mobilisons l’endogène, à condition d’entretenir les connexions neuronales pour interpréter le monde par un récit cohérent intégrant le passé, le présent et l’avenir. Le manager aura un rôle clé pour maintenir un engagement collectif fort et mobiliser autour d’un projet porteur de sens. Tous acteurs, avec des managers facilitateurs, animateurs, créateurs de liens.

Le jour d’après sera récessif, résiliant, régénératif ou tout simplement ré-imaginatif…

« Mais alors, dit Alice, si le monde n’a absolument aucun sens, qui nous empêche d’en inventer un ? ».

Les Aventures d’Alice au pays des merveilles – Lewis Carroll

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